Table-ronde sur "Ecole instrument de paix" : il faut que maîtres et élèves soient d'abord démocrates

Wal Fadjri (Dakar)

Publié sur le site All Africa le 6 Mai 2004

Moustapha Barry

Une école plus humaine, plus solidaire, plus démocratique serait un creuset de paix et de convivialité. Pour arriver à cela, des enseignants à la paix sont nécessaires. C'est la conclusion à laquelle a abouti la table ronde organisée par l'Institut des Droits de l'homme et de la paix dont Mme Amsatou Sow Sidibé est la directrice. Le thème "Ecole : instrument de la paix" a été introduit par Mamadou Diop Castro et Saliou Sarr.

Comment éradiquer les violences et les conflits dans l'espace scolaire et universitaire? L'Institut des droits de l'homme et de la paix (Idhp) de la faculté de droit de l'Université Cheikh Anta Diop n'y va pas par quatre chemins pour répondre à cette question. Il faut "des enseignants de la paix". C'est la nouvelle trouvaille de l'Institut que dirige Mme Amsatou Sow Sidibé, professeur à l'Université Cheikh Anta Diop, qui a organisé hier une table-ronde sur "Ecole : instrument de la paix". Un thème d'actualité si l'on sait que la faculté des Sciences politiques et juridiques a baigné tout récemment dans la violence. Mais elle précise que ce thème été choisi bien avant les violents événements produits dans sa Faculté. Pour M. Mamadou Diop Castro, qui a introduit le sous-thème "Education à la paix", il est devenu nécessaire de développer "les attitudes et les aptitudes des enseignants pour la culture de la paix".

Cela entraîne un "nouveau mode de pensée, de démarche et d'approche des valeurs". Ce qui conduit à la réhabilitation de l'éducation civique et morale dans une approche participative, a-t-il suggéré, avant d'ajouter que l'école ne doit plus être seulement un lieu d'acquisition du savoir. Il faut qu'elle soit un "lieu de savoir être, de savoir devenir et du savoir vivre ensemble. Et cela doit passer par l'éducation à la paix". Car "la guerre est, mais la paix n'est pas". En un mot l'école doit s'ouvrir au débat contradictoire en vue de régler les problèmes par la médiation qui suggère l'instauration d'une démocratie interne dans les structures scolaires et universitaires.

De son côté, Saliou Sarr, formateur à l'Ecole de formation des instituteurs de Thiès (Efi), qui a traité le sous-thème "Ecole, instrument de la paix" considère que l'école n'est pas hors de la société. Par conséquent, "elle reproduit souvent les violences et les valeurs qui existent dans cette société. Par ses critères d'évaluation, l'école divise au lieu d'unir. C'est l'une des raisons qu'elle est grosse de conflits résolus par la violence verbale et physique", explique-t-il. Pour lui, il faut "revoir l'organisation scolaire. Car l'ensemble des curricula doivent être imprégnés des droits humains. Avant d'ajouter que même si les violences sont imposées de l'extérieur beaucoup ont une cause interne à l'école par le fait du leadership, des relations entre élèves, professeurs et personnel administratif". C'est pourquoi, il invite à la mise en place d'une école démocratique, non seulement pour l'accès mais également dans les prises de décision. Car "il ne sert à rien de parler de démocratie à l'intérieur de la classe si le chef de l'établissement est despote". En outre, les élèves doivent être considérés comme "des hommes en devenir et non comme des moutons dociles". Les foyers scolaires jouent dans ce sens un rôle important. "Les supprimer entraînerait une autre forme d'expression des élèves", avertit-il. Il a aussi dénoncé le "parachutage des règlements intérieurs des écoles où on ne sert que des interdits aux élèves sans leur reconnaître des droits".

Dans les critiques, l'Etat n'a pas été épargné. Il a été invité à prendre toutes ses responsabilités pour appliquer les textes réglementaires. Les participants à la table-ronde ont rappelé que c'est la société sénégalaise qui est en crise. Crise de repères et de modèles qui rejaillissent sur l'école et l'université. Pour l'expliquer, ils ont fait allusion à d'anciens leaders étudiants promus à de fonctions importantes. Sans compter le "pouvoirisme", "l'arrivisme" et le "matérialisme" qui caractérisent aujourd'hui la société sénégalaise. "Si aujourd'hui, les étudiants se battent pour le contrôle des amicales, c'est parce que ce contrôle procure des facilités pour obtenir une chambre, une aide ou une bourse. Sans compter que les amicales gèrent un budget financier immense alimenté par les ristournes de deux cent francs ponctionnés sur les droits d'inscription de chaque étudiants. C'est tout cela qui provoque les violences à l'Ucad. La politique et la religion sont aussi des facteurs potentiels de violence à l'Ucad", explique, M. Traoré, étudiant.

Selon Boubacar Diop, président du Congad, il faut situer les parts de responsabilité de chaque composante de la communauté universitaire. Car "on ne comprend pas l'opportunité d'organiser des élections au mois de mai alors que l'année universitaire a démarré depuis octobre. Des élections en mai pour faire quoi ?", s'interroge-t-il. Pour la directrice de l'Institut des Droits de l'homme et de la paix, Mme Amsatou Sow Sidibé, "la paix n'est pas un don gratuit. Les conflits sont inévitables. Mais il est possible de renverser les tendances". Alors elle appelle à la mobilisation de l'ensemble des acteurs scolaires et universitaires et surtout les médias à jouer leur rôle.

 

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