LES ENFANTS EN DEPERDITION SCOLAIRE

AU CAMEROUN

Par Gabriel Siakeu


Depuis le début des années 90, le Cameroun, tout comme la plupart des pays africains, vit une véritable régression économique. Cette situation s'est aggravée en 1994 avec la dévaluation du franc CFA. La pauvreté déjà si dramatique a cédé sa place à la misère. Celle-ci s'est généralisée pour devenir la paupérisation.

En effet, dans les campagnes, les prix des cultures de rentes (cacao, café, coton, etc...) ont chuté au moins de moitié. Les salaires ont connu une baisse drastique de l'ordre de 70% en général. Les premières victimes de cette conjoncture ont été les enfants qui ont vu leur droit à l'éducation bafoué.

Au Cameroun, la moyenne de famille est de 7 personnes. Lorsque l'on sait que " la table du pauvre est maigre et le lit de la misère est fécond ", on peut facilement comprendre que cette moyenne est élevée en zones rurales où l'on peut compter plus de 10 enfants dans une famille. Il est évident que le bien être (droit à la santé, à l'alimentation, au logement, à l'éducation) de ces enfants ne peut être assuré entièrement.

Par ailleurs, puisque les caisses de l'Etat sont vides, ce sont les parents qui sont invités à construire les établissements scolaires, sinon les enfants sont obligés de parcourir des dizaines de kilomètres pour
atteindre leur école. L'enseignement de base, annoncé gratuit, est frappé par un taux de scolarité qui n'est pas à la portée du premier parent et qui oblige celui-ci à choisir parmi sa progéniture 3 ou 4 (tout au plus) parmi ses 10 enfants qui pourront bénéficier des bienfaits de l'école. Evidemment, il va privilégier les garçons au détriment des filles. On va alors assister à deux sortes d'abandon scolaire : volontaire et involontaire.

En réalité, au delà des problèmes évoqués plus haut, la déperdition scolaire au Cameroun est la preuve que l'éducation dans son ensemble est malade. Nous nous devons de diagnotiquer le mal, son ampleur afin de préconiser des solutions.

A- LE TAUX DE DEPERTITION SCOLAIRE AU CAMEROUN :
DES FAITS ET DES CHIFFRES QUI INQUIETENT

1- EDUCATION DE BASE : DESCOLARISATION SANS PRECEDENT

Les taux de scolarisation au Cameroun sont très inférieurs à ceux des pays ayant des revenus par habitant comparables. Ceci est dû à un phénomène de déscolarisation au cours des années 1989-99 , pratiquement sans précédent dans un pays qui n'a pas été confronté à une guerre ou un conflit civil. Ce
phénomène est tel que l'on s'accorde à dire qu'il constitue un risque majeur pour les perspectives de croissance du pays.

Avant de présenter quelques chiffres, il convient de signaler que les statistiques scolaires sont très peu fiables à cause de l'affaiblissement des capacités institutionnelles de l'administration de l'éducation. Officiellement le taux d'inscription brut au primaire est de 81%, alors qu'il était de 112% dix ans auparavent. Mais ce taux est fortement gonflé par les redoublements très nombreux, de l'ordre de 28% chaque année. Pour avoir une idée plus précise du problème, il vaut mieux retenir que la proportion des filles d'âge scolaire qui entrent effectivement à l'école semble s'être stabilisé autour de 58%, et 37% seulement terminent le cycle primaire. Pour les garçons, les proportions sont respectivement de 83% et 60%.

2- ENSEIGNEMENT SECONDAIRE ET SUPERIEUR : SITUATION PLUS GRAVE

Les enseignements secondaire et supérieur ne sont pas mieux lotis que le primaire du point de vue des taux d'inscription, quoique la priorité leur a clairement été donnée au moment de la crise. Ainsi, le secondaire est le seul sous-secteur du système éducatif où les inscriptions, le nombre d'école et d'enseignants croissent rapidement dans le secteur public comme privé. Il n'y a jamais eu de suspension du recrutement d'enseignants du secondaire alors que les écoles normales de formation des maîtres ont fermé entre 1990 et 1995.

D'importantes inégalités régionales et entre les sexes existent. Les taux d'admission au primaire varient de 39% à presque 100% selon les provinces, avec un taux d'admission des filles de 26% dans la province de l'extrême-Nord. Des groupes minoritaires importants (pygmées, nomades, enfants des zones frontalières) n'ont souvent aucun enfant scolarisé. Les taux de passage des écoles primaires aux écoles secondaires sont beaucoup plus importants dans les villes que dans les zones rurales.

L'une des principales raisons est la déficience de l'offre et particulièrement le manque d'enseignants. Les indemnités qui étaient auparavent accordées aux enseignants travaillant dans les provinces qui ne sont pas leur province d'origine ont été supprimées. Ce qui a provoqué un repli graduel des enseignants des régions les plus éloignées vers les grandes villes et, par conséquent, la fermeture d'écoles rurales. Les fonctionnaires du Ministère facilitent ce repli en monnayant les transferts illicites. Ainsi, les parents les plus pauvres doivent donc payer les salaires d'une partie des enseignants dans les écoles pour une qualité d'éducation inférieure à celle des villes. Dans l'Extrême-Nord, région la plus sinistrée, 61% des enseignants sont rémunérés par les parents. Dans le Centre, région la plus riche, ce chiffre tombe à 13%.

Dans les villes , même si le nombre d'enseignants est pléthorique, les classes sont surchargées parce qu'il n'existe pas de salle en nombre suffisant. Ainsi, dans les environs immédiats de Yaoundé, il n'est pas rare de rencontrer des salles de classes où s'entassent 120 élèves.

Ces inégalités sont confirmées par une étude sur les coûts et le financement . Cette étude révèle que le coût par élève supporté par le gouvernement varie de 3 567 FCFA dans les écoles rurales de l'Extrême-Nord, à 30.000 FCFA dans les écoles urbaines du Centre, avec une moyenne nationale de 22.409FCFA

3- QUALITE DE L'ENSEIGNEMENT EN QUESTION

Environ 28% des enfants du primaire redouble chaque année, et 13% d'entre eux abandonnent l'école. Contrairement à une croyance malheureusement fort répandue, le recours excessif aux redoublements est néfaste, autant pour l 'élève que pour la classe comportant des redoubleurs, comme l'on montré maintes études en Afrique Sub-Saharienne, notamment celle de la COFEMEN (PASEC).Par contre, les redoublements coûtent chers à la communauté, puisque lorsqu'il termine son cursus secondaire, l'élève camerounais a en moyenne passé 20 ans à l'école, au lieu de 13 théoriquement nécessaire.

Les redoublements suggèrent également une faible qualification etmotivation des enseignants. Au niveau primaire, 47% seulement des enseignants sont officiellement qualifiés, et les enseignants formés disponibles travaillent le plus souvent dans les villes ou dans le sud du pays. Il n'y a presque pas eu de recrutement d'enseignants fonctionnaires au niveau primaire depuis environ une décennie. Le corps enseignant est de plus en plus composé de contractuels rémunérés soit sur la rubrique "équipement" du budget du Ministère de l'Education, soit directement par les parents. Les conditions de travail et de rémunération sont fortement contestées par leurs syndicats et semblent constituer un handicap sérieux à leur motivation et leur assiduité. Une étude récente du temps d'apprentissage dans les écoles à montrer que, à cause de l'absentéisme des enseignants, les enfants recoivent en moyenne les deux tiers de l'instruction qu'ils sont supposés recevoir.


En 1996-1997, la Banque Mondiale a financé deux études sur les résultats de l'apprentissage au niveau primaire et secondaire. Ces deux études ont confirmé les faiblesses qui étaient somme toutes prévisibles. Mais ont aussi relévé de fortes variations qualitatives entre région, et entre écoles publiques et privées. Ainsi les meilleurs résultats sont obtenus par les écoles catholiques du Centre. Dans le secondaire, les résultats d'apprentissage sont aussi faibles que dans le primaire. Pour presque toutes les disciplines et tous les niveaux, la moyenne de 10 n'a pas été obtenue. Les notes dans le système francophone ont été relativement plus hautes que dans le système anglophone (8 et 8,8 contre 7,9 et 7,4),alors que les taux de redoublements et d'abandon y sont également beaucoup plus élevés dans les écoles anglophones.

4- ENSEIGNANTS ET ENSEIGNES SANS OUTILS PEDAGOGIQUES

La rareté des matériels pédagogiques, notamment les manuels scolaires, menace à la fois la qualité de l'éducation et l'équité de l'accès à l'éducation. Certaines faiblesses sont de nature historique (résultant en partie de l'importance massive de manuels en provenance de la France), tel que le prix élevé des manuels par rapport aux revenus réels d'une grande proportion des ménages, le caractère sous-développé de l'édition locale, l'absence de données statistiques fiables sur la disponibilité des manuels, le manque de parténariat entre secteur public et privé, le manque de spécialistes du livre au sein du MINEDUC, des habitudes de lecture peu développées et l'absence quasi-totale des bibliothèques. Cette situation négative a été sérieusement aggravée en 1998 par l'octroi d'un monopole (pour l'édition, la fabrication et la distribution du livre scolaire) au CEPER S.A (suite à la privatisation de cette ancienne structure étatique créée en 1977 qui ne jouait qu'un rôle minime sur le marché du livre scolaire). Ce monopole a été appliqué au secteur francophone uniquement : il a épargné le secteur anglophone qui est généralement plus solide.

5- GESTION DES RESSOURCES HUMAINES ET MATERIELLES DE L'EDUCATION:
DEUX POIDS, DEUX MESURES.


La gestion est basée sur un système centralisé et autoritaire, dans lequel les décisions font rarement l'objet de concertation avec les bénéficiaires. Sous l'effet combiné de la faiblesse institutionnelle et d'une corruption omniprésente, cette formule a produit des résultats désastreux. Il n'existe pas de relation claire entre les besoins d'écoles primaires et leur construction. Alors qu'une école peut comporter trop de classes, l'école voisine peut n'en avoir aucune. En outre, les batiments de l'enseignement public souffrent de vandalisme ainsi que d'un entretien insuffisant. La répartition des ressources, y compris les enseignants, se fait de matière opaque. Les résultats des examens font l'objet de controverses fréquentes entre syndicats et autorités de tutelle sur l'existence de malversations. Les fonds collectés auprès des parents sont gérés par des Comités de Gestion qui ne représentent pas les Associations de Parents d'Elèves (APE). La désignation des directeurs et des inspecteurs ne répond pas à des critères objetifs et ne se fait pas dans la transparence.

Finalement,il semble que les mécanismes de contrôle de la qualité sont inexistants. A titre d'exemple, dans le primaire, les enseignants s'absentent souvent pour des motifs non autorisés, dans l'impunité la plus totale. Même les inspecteurs qui sont chargés de s'assurer du bon fonctionnement des écoles estiment que les enfants ne reçoivent aujourd'hui que vingt-cinq semaines d'instruction dans les villes et vingt semaines dans les zones rurales, contre trente-six semaines officiellement. Dans l'enseignement secondaire technique, depuis de nombreuses années, il n'existe pratiquement plus aucun lien entre les programmes de formation et les débouchés sur le marché de l'emploi, sans que cela provoque le réajustement qui s'impose. Au contraire, le gouvernement continue à supporter des coûts par élèves de l'ordre de 79.636FCFA en moyenne.

6- FINANCEMENT DE L'EDUCATION : L'ETAT SE DESENGAGE DE PLUS EN PLUS

Le financement public est relativement important, mais est inefficacement utilisé ou subit des "pertes en lignes" très importantes. Environ 75% du budget est reservé aux salaires du personnel. L'inéfficacité de cette dépense est liée à la confusion qui règne dans la répartition du personnel, signalée plus haut. La part non salariale du budget est consommée à divers niveaux, avec une certaine déconcentration des dépenses au niveau des délégations et des inspections, mais pas aux écoles. Cette part non salariale parvient aux ordonnateurs sous forme des bons de caisse, dont une partie non négligeable est détournée. En effet, les entrepreneurs et fournisseurs doivent payer aux agents de l'Etat entre un tiers et deux tiers du montant de leurs factures s'ils veulent être payés par les trésoreries provinciales. En définitive, et pour ce qui reste, plus une école est loin de la périphérie et plus ses chances de recevoir un appui sous n'importe quelle forme sont faibles.

Pour pallier cet état de fait, les parents ont commencé à participer massivement au financement de l'éducation. Ce phénomène a commencé d'abord dans les provinces anglophones et a ensuite remporté l'adhésion des provinces francophones. Ainsi, à la fin de l'année scolaire 1995-1996, plus de 97% des écoles comptaient une APE. L'estimation de la contribution des APE diffère énormement selon les sources, mais elle est néanmois très importantes puisque les APE prennent en charge la rénunération de 28% des enseignants et la plus grosse des dépenses reccurentes des écoles.


Cet élan semble avoir été brisé en 1996-1997 lorsque l'Etat a introduit les contributions exigibles qui s'élèvent actuellement à 1.500 FCFA par an pour le primaire. Ces contributions sont payables d'avance et gérées par des Comités de Gestions, mis en place spécialement a cet effet, qui sont distincts des APE. Tous niveaux confondus, les contributions exigibles sont estimées en 1998-1999 à neuf milliards de FCFA, contre 96 milliards de FCFA pour le budget du Minitère de l'Education.

L'introduction des frais exigibles a eu plusieurs effets pervers. Premièrement, elle a signé la fin des APE. Les parents affirment cependant qu'ils sont prêts à payer davantage que ce qui est demandé, pour autant
qu'ils soient impliqués dans l'administration de ces frais de scolarité. Ils ont aussi indiqué qu'ils étaient prêts à prendre en charge les coûts de main d'œuvre pour la contruction des écoles pour autant que le gouvernement fournisse les matèriaux nécessaires.

Deuxièmement, les frais exigibles à l'exclusion des pauvres en banalisant l'extorsion des fonds. Aujourd'hui, il semblerait que tout soit monnayé, de la position occupée par l'enfant dans la salle de classe à des classes supplémentaires presque obligatoires, passant par la correction des livres d'exercice. En outre, les dépenses totales des ménages (frais d'écolage plus fournitures scolaires, tenues de classe, tenues de sport, frais d'examen,etc...) s'élèvent en moyenne à 49.500FCFA par enfant, auxquelles viennent s'ajouter d'autres frais sans compter les charges de transport ou celles liées au paiement d'un maître communautaire. Ces coûts sont très élevés et constituent un handicap additionnel pour les pauvres, qui sont déjà handicapés par leur environnement familial.

B- A QUELLES ACTIVITES S'ADONNENT CES ENFANTS DESCOLARISES ?

Une étude réalisée par Dr NOUTHE DJUBGANG Julienne, Médecin de travail, a donné des résultats suivants :

Tableau à venir


activité principale tranhes d'âges total %


prostitution - de 12 ans
- 12-13 ans
5 14-16 ans
5 17-18 ans
13 23 7,0
domestique 7 11 51 40 109 33,1
vendeur dans la rue 15 14 21 15 65 19,8
manoeuvre 1 7 12 11 31 9,4
ouvrier - 2 5 5 12 3,6
serveur dans un bar/café - 2 15 6 23 7,0
veilleur de nuit - 2 6 3 11 3,3
autre - 1 20 32 53 16,1
non déclaré 1 1 - - 2 0,6
total 24 45 135 125 329 100,0


En réalité, ces enfants qui ne vont plus à l'école constitutent une main-d'oeuvre bon marché, obéissante, frugale et moins exigeante qui aiguise les appétits des adultes exploiteurs.

Le phénomène du trafic de ces enfants à des fins d'exploitation de leur travail a pris des proportions inquiétantes.

L'économie de l'analyse des données quantitatives et qualitatives a permis de dégager les tendances suivantes :

- Existence du phénomène : 531 591 enfants environ sont concernés par le trafic à des fins d'exploitation du travail au Cameroun, soit 161 456 à Yaoundé, 103 824 à Douala, 14 611 à Bamenda, et 233 700 dans les autres localités du Cameroun ; les enfants trafiqués représentent 84,15 % des enfants travailleurs du pays.

- Les causes justifiant le trafic sont pour la plupart la pauvreté, l'enclavement des zones rurales, la recherche des opportunités d'emploi, le désir d'apprendre un métier favorisant l'installation à son propre compte, l'insiffisance des infrastructures scolaires, sanitaires, etc.

-Les enfants sont recrutés soit dans les villages, soit dans les zones semi urbaines.

-Les enfants les plus exposés sont âgés de 14 à 18 ans. Ils représentent 79% des enfants enquêtés.

-La décision de mettre l'enfant au travail précoce provient aussi bien des enfants eux-mêmes que des parents. Sur 329 enfants enquêtés, 170 ont volontairement choisi de travailler, 150 ne l'ont pas fait.

- La rémunération donnée aux enfants est très faible et située très en deçà du SMIG au Cameroun ; elle est située entre 2 000 et 25 000 F. CFA ou 250 F. Français, le SMIG étant de 23 514 F.CFA ou 235, 14 F. Français.

- La plupart des enfants concernés sont alphabétisés car ont fait des études primaires. La proportion des garçons est plus importante.

- Les conditions de travail sont généralement pénibles, les heures de
repos réduites, les congés presque inexistants.

C- DEPERDITION SCOLAIRE AU CAMEROUN :
UNE THERAPEUTIQUE DE CHOC URGENTE NECESSAIRE EN PLUSIEURS POINTS


Sur la base du diagnostic précédent, le secteur de l'éducation au Cameroun peut être considéré comme un secteur sinistré, qui requiert d'urgence une thérapeutique de choc.


1- SUPPRESSION DES FRAIS D' ECOLAGE

Suppression des frais d'écolage obligatoires dans l' enseignement primaire et leur remplacement par des contributions volontaires non liées aux inscriptions et gérées par les APE constituées librement et démocratiquement. Cette décision se justifie à deux niveaux. Premièrement, elle réduit le coût direct de l' éducation, lequel est un facteur déterminant dans le déclin de la scolarisation au cours des années 90, surtout chez les couches de la population les plus pauvres. Deuxiemement, elle va dans le sens d' une plus grande rentabilité sociale des dépenses en éducation. En effet , la contribution de l'Etat aux dépenses unitaires est actuellement la moins élevée dans le primaire (35%) et augmente dans le secondaire général (43%) et technique (60%). Cette situation est paradoxale compte tenu du fait que la rentabilité sociale de l'enseignement primaire est la plus élevée et que les transferts publics à ce niveau bénénéficient aux populations désavantagées plus que le secondaire.

2-ADAPTATION D'UNE NOUVELLE POLITIQUE NATIONALE DU LIVRE SCOLAIRE

L'élaboration de cette nouvelle politiuqe requiert des mesures à court et moyen terme : entreprendre une enquête détaillée sur la disponibilité des manuels scolaires et des outils didatiques à travers le Cameroun et les capacités financières des familles ; dévelloper des critères détaillés pour l'évaluation pédagogique des manuels existants ; mettre en place une structure (intérimaire) autonome et de haut niveau pour l'évaluation de tous les manuels scolaires qui figureront sur la liste officielle ; identifier les options.

3- UN PROGRAMME D'EDUCATION DE BASE

Un programme Education de base vise à "favoriser la mise en oeuvre du projet gouvernemental d'Education de base pour tous d'ici l'an 2010", notamment en assurant un meilleur accès des filles à l'éducation. Ce programme se fonde sur l'innovation et l'expérimentation de nouvelles approches dans 12 arrondissements du Cameroun. Dans ces zones, l'objectif est d'améliorer, de façon visible et mesurable, l'éducation de base des enfants et des filles en particulier par la mise en place d'un programme d'éducation parentale pour les enfants de 0 à 3 ans, le développement de l'éducation préscolaire à base communautaire pour les enfants de 3 à 5 ans, le développement de l'offre éducative et le relèvement de la qualité dans l'enseignement primaire formel et non formel, pour les enfants à partir de 6 ans. Les actions entreprises permettent d'aller vers une pédagogie plus active, davantage centrée sur l'enfant, ouverte sur le milieu et d'introduire des apprentissages de la vie courante en matière de santé, d'hygiène, de nutrition, d'environnement, de vie civique et de gestion d'activités simples.

4- ACCES A L'EDUCATION PARENTALE ET MATERNELLE

Améliorer le taux de scolarisation des enfants, et en particulier des petites filles, est un travail qui débute dès la naissance de l'enfant, en éduquant tout abord les parents. Pour ce faire, les curricula de formation pour l'éducatuion parentale ont été finalisés et validés par le gouvernement et seront mis en oeuvre en 2000. Pour les enfants de 3 à 5 ans, 24 écoles communautaires ont été créées par des associations soutenues par l'UNICEF, principalement dans les provinces de l'Est, de l'Extrême-Nord et de l'Adamaoua. Nous pouvons constater qu'en 1999, l'idée de créer des écoles maternelles communautaires en milieu rural a fortement progressé et permet d'envisager une progression constante de ce type d'établissement.

5- AUGMENTATION SIGNIFICATIVE DES INSCRIPTIONS CHEZ LES FILLES DANS LE GRAND NORD

Les campagnes de sensibilisation pour la scolarisation des enfants et celle des filles en particulier, ont mobilisé les autorités administratives, les chefs traditionnels et religieux et les associations du
Grand Nord du Cameroun (région reconnue sous-scolarisée et où les filles sont les moins scolarisée). Des solutions concrètes ont été proposées pour favoriser la scolarisation des filles musulmanes. Les résultats ont été très sensibles, avec une forte progréssion des inscriptions en première année, au
point que les capacités actuelles dans les zones concernées ont été saturées. Sur 24 écoles visitées en octobre 1999, à Ngaoundéré et à Maroua, les éffectifs totaux ont progressé de 16,3% et ceux des filles de 14,8% en un an, de 1998/1999 à 2000, ce qui est largement supérieur aux moyennes des provinces correspondantes.

En 1999, tous les textes concernant les Associations des Parents d'Elèves (APE) ont été actualisés et améliorés pour renforcer le rôle des APE dans la mobilisation des parents et la gestion de l'école. Un guide des APE servira de support à la politique de formation des APE prévue pour 2000.

Enfin, en vue d'améliorer les capacités et la qualité d'accueil des élèves, 3.750 tables-bancs ont été commandés, répondant à environ 30% des besoins actuels des 8 arrondissements et 52 cartons d'édukits ont été fournis aux écoles non formelles.

6- QUALITE DE L'EDUCATION

Une meilleure qualité de l'enseignement passe nécessairement par un meilleur encadrement pédagogique des instituteurs et par l'accès aux manuels scolaires, souvent trop rares dans certains établissements. Des actions ont donc été menées sur trois points : la mise en place d'un plan de formation pluriannuel par catégories d'enseignants , une réflextion sur le renforcement de l'encadrement et de l'appui pédagogique des enseignants et la recherche de mesures pour réduire les taux de redoublement. Enfin , la commande de 61.000 manuels scolaires de français, de mathématiques et de sciences, couvrant ainsi 80% des besoins des 8 arrondissements en français, 50% en mathématiques et 20% en sciences.

7- DROITS DE L'ENFANT ET EQUITE

Afin de s'assurer que tous les enfants sont en mesure de jouir de leur droit à l'éducation en toute égalité et en respectant les principes d'équité entre les filles et les garçons, le Ministère de l'Education Nationale et l'UNICEF ont mené un certain nombre d'actions destinés à évaluer et réduire les carences qui subsistent dans ce domaine. Tout d'abord, par la préparation de la campagne prévue en l'an 2000 appelée "Ecole amie des enfants , amie des filles". Cette campagne est destinée à faire réfléchir et agir les enfants sur les questions de droit et d'équité à l'école. La réalisation d'une étude sur les stéréotypes sexistes dans les manuels scolaires du primaire, la mise en place d'assiociations de mères d'élèves, la mobilisation active des chefs réligieux et traditionnels pour la scolarisation des filles et la commande d'une étude sur les enfants de la rue dans toutes les grandes villes du Cameroun relèvent également de cette dynamique.

8- OFFRE EDUCATIVE ADAPTEE


Dans plusieurs pays, notamment en Afrique de l'Ouest, l'éducation non formelle est une composante à part entière de l'éducation nationale, reconnue et soutenue par l'Etat, aux côtés des secteurs publics et privés de l'éducation.

Au Cameroun, une démarche semblable est engagée depuis 1997, avec la tenue à Ngaoundéré d'un séminaire spécifique pour définir l'éducation non formelle et sensibiliser le gouvernement et différents acteurs sur l'existence de ce secteur éducatif dans le pays. Depuis, le processus de reconnaissance officielle s'est poursuivi et devrait aboutir au cour de l'année 2000. C'est dans ce sens que le Ministère de l'Education Nationale et le Directeur de l'Enseignement Primaire, Maternel et Normal ont éffectué un voyage d'étude en Inde pour visiter un programme d'éducation non formelle vaste et très réussi.

L'UNICEF a contribué activement à ce processus, tout en soutenant des initiatives locales fort interéssantes, mises en place dans des associations camerounaises. Leur point commun, c'est d'offrir à des enfants une éducation de base là où l'Etat n'est pas en mesure de le faire jusqu'à présent, soit parce que l'offre éducative n'existe pas (pas d'école) ou insuffisante.

Ainsi, l'AUPAES (Actions Unies Pour les Activités Economiques et Sociales), implanté dans l'arrondissement de Maraou, a créé 24 écoles primaires qui scolarisent plus de 2000 enfants, tandis que 6 écoles maternelles sont en cour d'implantation. Les parents ont largement participé à la construction des bâtiments en matériaux locaux et contribuent à la rémunération des maîtres.

L'association FORENDEN (Formation, Education, Encadrement) a démarré en 1995 en organisant des groupes de femmes pour développer leurs activités productives et en orientant une partie des revenus vers la scolarisation de leurs enfants. Aujourd'hui, 32 écoles franco-arabes fonctionnent dans des villages , entièrement prises en charge par les parents. Les programmes sont adaptés et certaines filles plus âgées ont également été alphabétisées.

Dans l'est, l'AAPPEC(Assiociation pour l'AutoPromotion des Populations de l'Est Cameroun) développe son expérience depuis 25 ans déjà avec la création de centres d'éducation de base destinés aux enfants pygmés , les Baka , en s'appuyant des programmes partant de la langue baka et de leur culture et adaptés à leur rythme de vie . les 72 centres d'éducation de base et les 14 écoles maternelles, répatis dans toute la province de l'Est, la qualité de l'encadrement et de la pédagogie, constitue aujourd'hui un exemple remarquable de ce que peut faire une assiociation dynamique.

Toutes ces assiociations orientent ensuite leurs élèves vers les écoles publiques, que nombre d'entre eux ont déjà rejointes. De fait, les passerelles entre le secteur non formel et le secteur public de l'éducation existent déjà (souvent au niveau des CE), d'autant plus que les écoles non formelles dans la plupart des cas, n'offrent pas un cycle complet mais s'intéressent surtout aux enfants les plus jeunes.

En fin de compte , plus encore que l'école publique , l'école non formelle ne peut vivre et s'épanouir que par une véritable mobilisation sociale d'une communauté en faveur de l'éducation de ses enfants. Cette mobilisation ,en soi, est délà un élément positif qui contribue ,aux côtés et en complément des efforts de l'Etat, à l'Education pour Tous.

D- DESCOLARISATION AU CAMEROUN : L'ACTION DE L'EIP-CAMEROUN

L'EIP-Cameroun pour sa part a, depuis le mois de février 2000 initié une enquête sur la déperdition scolaire au Cameroun pour tenter de mesurer son ampleur et d'essayer d'y apporter sa part de contribution. Faute de moyens, l'EIP-Cameroun s'est contentée de circonscrire son enquête dans la ville de Yaoundé. Plus de 100 enquêteurs ont été mobilisés et plus de 1 000 chefs de famille ont été interwievés. Ce qui donne un caractère fiable à cette activité.

En attendant la publication officielle des résultats de l'enquête, l'EIP-Cameroun se propose d'acceuillir les enfants descolarisés dans son nouveau siège sis à Mvog-Ada à Yaoundé à qui des cours d'informatique leur seront gratuitement donnés.

Par ailleurs, l'EIP-Cameroun encadre les enfants abandonnés de l'orphelinat de Nkomo, dans la banlieue Est de Yaoundé. Une manière de donner leur chance à ces enfants(orphelins ou abandonnés) déjà désavantagés par le destin, afin que leur droit à l'éducation soit respecté.

Toutefois, l'EIP-Cameroun se tient prête à s'associer à toutes les bonnes initiatives qui contribueraient à lutter contre ce phénomène de descolarisation, désormais véritable fléau au Cameroun.

L'EIP-Cameroun remercie tous ceux l'ont aidé à obtenir toutes les informations nécessaires, notamment Mmes Nathalie FEUJIO, consultante nationale, Juriste; Dr NOUTHE Julienne, Docteur en médécine du travail et le Journal Challenge Nouveau du 23 mai 2000.


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