PROJET ECOLES SATELLITES ET
CENTRES D'EDUCATION DE
BASE NON FORMELLE

Par Maïmouna Tankono
Juin 2000

Introduction

Depuis son indépendance formelle en 1960, le Burkina Faso (BF, ex Haute-Volta) considère l'éducation commune une priorité et l'instrument de son développement socio-économique. Aussi, les textes fondamentaux tels que la constitution en son article 27 et la loi d'orientation de l'éducation en son article 2, reconnaissent le droit à l'éducation pour tous les burkinabé.

Cependant, entre ces dispositions contenues dans les instruments juridiques et la réalité, le fossé est énorme ; la majorité des burkinabé ne peuvent jouir du droit à l'éducation et pour cause : le système éducatif actuel hérité de la colonisation, comme dans les autres pays africains, ne correspond guère ni au contexte politique, ni aux réalités économique, sociale et culturelle.

Une des préoccupations majeures des autorités du pays est comment rendre l'école plus accessible à un plus grand nombre, comment lui donner de l'efficacité et de l'efficience.

A cet effet, des innovations éducatives et pédagogiques diverses sont entreprises. Parmi les plus récentes au niveau de l'éducation de base, nous avons retenu le projet de création de deux structures non conventionnelles dénommées "Ecoles Satellites" (ES) et "Centres d'Education de Base Non Formelle" (CEBNEF) réalisé avec le concours de l'UNICEF.

Avant de présenter la mise en œuvre et le bilan de ce projet, il est utile d'analyser au préalable le contexte général qui a conduit à sa mise en place.

I. LE CONTEXTE GENERAL

      Avec une superficie de 274.000 Km2, le Burkina Faso est un pays totalement enclavé sans ouverture sur la mer ; il est limité au Nord et à l'Ouest par le Mali, à l'Est par le Niger, au Sud par la Côte d'Ivoire, le Ghana, le Togo et le Bénin.

      De part sa position en latitude, le Burkina Faso a un climat tropical de type soudano-sahélien qui se caractérise par l'alternance d'une longue saison sèche (octobre à avril) et d'une courte saison pluvieuse (mai à septembre) ainsi que par une pluviométrie irrégulière dans l'espace et dans le temps. Les hauteurs annuelles de pluie varient de 300 mm dans la zone sahélienne au Nord à plus de 1.000 mm à l'Ouest et au Sud-Ouest.

      La végétation évolue de la steppe à épineux au Nord, à la savane arbustive et arborée, au centre à la savane boisée à l'Ouest et au Sud-Ouest. Les sols sont en général peu fertiles en raison de la présence de cuirasses ferrugineuses. Trois principaux cours d'eau drainent le pays (le Mouhoun, le Nakaabé, et le Nazinon).

      Si dans l'ensemble le milieu naturel présente des contraintes sévères, il n'en demeure pas moins que le pays dispose d'un important potentiel faunique, touristique et minier.

      Selon des estimations en l'an 2000, le Burkina Faso compte plus de onze millions (11.000.000) d'habitants. La population est marquée par la prépondérance des femmes (51,1 %), par sa jeunesse (49 % ont moins de 15 ans), par la grande mobilité à travers les migrations internes et internationales, par son inégale répartition géographique (86 %) vivent en zone rurale, 14 % en milieu urbain), et surtout par une croissance accélérée.

      Ainsi, la population est passée de trois millions (3.000.000) d'habitants environ en 1960, à plus de 5 millions (5.000.000) en 1875, puis à près de 8 millions en 1985, à dix millions (10.000.000) en 1995 et à onze millions (11.000.000) aujourd'hui.

      Cette croissance rapide s'explique par une forte fécondité (7.3 enfants par femme, taux de 223 °/00), une natalité élevée (taux de 42,2 °/00) alors que la mortalité est en basse continue (taux de 30 °/00) en 1960, 16,4 °/00 en 1991) ; la mortalité infantile demeure cependant parmi les plus élevées du monde (60 °/00). Le taux d'accroissement naturel est de 2,7 % entre 1980 et 1990. Avec un tel rythme de croissance, on prévoit quatorze millions (14.000.000) d'habitants en 2005. L'espérance de vie à la naissance dépasse à peine cinquante (50) ans.

      Cette démographie galopante pose d'importants problèmes en matière d'éducation, de santé, d'alimentation, d'emploi… Par exemple, sur le plan éducatif, la tranche d'âge scolarisable évolue au même rythme (2,9 %) que l'accroissement naturel : elle est estimée à un million huit cent mille (1.800.000) en 1991 et à deux millions trois cent mille (2.300.000) en 2000. Or la croissance démographique rapide se déroule dans un contexte économique et financier très précaire.

II. JUSTIFICATION DU PROJET – OBJECTIFS – RESULTATS ATTENDUS

      Le contexte général et la situation du système éducatif ci-dessus présentés, justifient largement le présent projet. Il apparaît évident que l’éducation, dans sa forme actuelle, demeurera longtemps au-delà des capacités de l’Etat et par conséquent inaccessible à tous les enfants scolarisables.

      Dès lors, un changement stratégique s’impose au système éducatif si l’on veut que l’analphabétisme recule au Burkina Faso.

      C’est dans cet esprit que le MEBA a conçu et proposé le projet de création d’Ecoles Satellites (ES) et de Centre d’Education de Base Non Formel (CEBNF) en vue de contribuer à scolariser le plus grand nombre d’enfants qui y ont droit (avec une priorité accordée aux filles), à améliorer le système d’apprentissage pour les jeunes non scolarisés aux exclus du système classique.

      Le caractère novateur des ES et CEBNF apparaît aussi bien du niveau des infrastructures matérielles et techniques que de la définition des contenus des programmes, de leur mise en œuvre et du personnel d’enseignement et d’encadrement.

      Ces deux nouvelles structures permettront à l’enfant d’acquérir des connaissances, des compétences et des attitudes utiles dans son milieu de vie.

III. MISE EN ŒUVRE DU PROJET

Conformément aux prévisions, la mise en œuvre du projet ES/CEBNEF connaît deux phases :

Dans cette partie de l’exposé, il s’agira de montrer comment le projet se traduit concrètement dans la réalité, en présentant successivement ce qui se passe au niveau des ES puis au niveau des CEBNF.

        A l’heure actuelle, le Burkina Faso totalise 204 ES disséminées dans 19 provinces. La formation dans une ES dure trois (3) ans correspondant aux trois premières années de l’école primaire classique (CP1, CP2, CE1).

        Le public cible est constitué d’enfant de 7 à 9 ans non scolarisés, souvent assez fragiles pour se rendre à l’école si éloignée de leur domicile.

        Les effectifs sont de quarante (40) élèves par classe, soit un total de 8.160 élèves environ pour toutes les ES en l’an 2000. Progressivement, la plupart des ES sont normalisées (c’est-à-dire qu’elle comptent désormais 6 classes chacune comme les écoles classiques), soit en appliquant la formule du multigrade, soit en construisant les trois classes restantes (CE2, CM1, CM2).

        L’implantation des ES est précédée d’un travail de sensibilisation et de mobilisation sociale. Ce travail est nécessaire pour obtenir l’adhésion et la participation des communautés de base et des partenaires au projet si l’on veut en garantir le succès. Il s’effectue auprès des communautés locales, des personnes âgées, des groupes d’influence tels que : les notables, les leaders d’opinion, les acteurs de l’éducation (encadreurs, enseignants, élèves), les ONG, les Associations des Parents d’Elèves (APE), et à la construction des infrastructures d’accueil.

        Elles participent aussi à la gestion et à l’administration de l’ES à travers les Comités villageois de Gestion (CVG) en collaboration avec les structures centrales et déconcentrées du MEBA.

        Les enseignants sont au nombre de 194 (y compris ceux des CEBNF) dont trente et deux (32) femmes. Au niveau des ES, ils sont recrutés localement à l’issue d’un test de sélection. Les candidats sont proposés par les communautés locales et doivent satisfaire les critères ci-après : être titulaire du Brevet d’Etudes du Premier Cycle (BEPC) au moins, parler couramment la langue du milieu, être âgé de 21 ans au moins.

        Après le recrutement, les maîtres bénéficient d’une formation initiale, puis d’une formation continue (en cours d’emploi). Ils ont le statut de contractuels et sont désintéressés par l’Etat à hauteur de trente cinq mille francs (35.000 F) CFA par mois.

        Notons que la communauté de base participe également à la formation des enfants par le biais de certains exercices. L’encadrement pédagogique des maîtres est assuré par les conseillers pédagogiques Itinérants (CPI), les inspecteurs de l’école classique et des superviseurs désignés à cet effet.

        1. Connaissances instrumentales (calcul, langage oral et écrit)
        2. Environnement
        3. Economie domestique et familiale
        4. Occupations quotidiennes
        5. Santé – hygiène – nutrition
        6. Education sociale et genre
        7. Civisme – valeurs nationales et droits humains
        8. Activités physiques et éducatives

        Les CEBNEF sont des centres d’éducation non conventionnelle destinés à accueillir les jeunes non scolarisés ou exclus du système d’éducation de base et qui sont âgés de 9 à 15 ans. Au nombre de 40 actuellement, ils se situent dans des localités disséminées dans 19 provinces.

        La durée du cycle est de 4 ans pour un effectif de trente (30) apprenants par promotion, soit un total d’environ 6.400 apprenants.

        Les modalités d’implantation et de gestion des CEBNF sont celles déjà décrites au niveau des ES. Soulignons une fois encore la forte contribution des communautés de base au choix du site d’implantation, à la construction des infrastructures, à leur équipement et à la gestion des centres.

Le centre peut, au bout d’une période donnée, décider de changer de métier, s’il en éprouve le besoin.

 

IV BILAN DE LA MISE EN ŒUVRE DU PROJET

    Cinq années après le début de la création des ES et des CEBNF, quel bilan peut-on faire ? A la lecture de certains rapports d’évaluation et au regard de témoignages recueillis auprès de la coordination du projet, il ressort que des acquis positifs indéniables ont été enregistrés. Toutefois, de nombreuses insuffisances compromettent le succès de l’expérience.

        Par rapport à certains résultats attendus, le fonctionnement des ES et CEBNF a contribué à relever sensiblement le taux de scolarisation et le taux d’alphabétisation, en particulier les taux au niveau des filles. Les deux structures semblent avoir obtenu l’adhésion des populations bénéficiaires au vu de leur engouement, de leur engagement à s’investir dans leur implantation et gestion.

 

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