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La paix dans le monde : les limites d’un palmarès
Lettre n°53, 01-2010

Le royaume de PalmarèsSelon l’Indice mondial de la paix 2009 (« Global Peace Index ») établi par Vision of Humanity, sept des dix premiers pays au classement sont européens, bien que ce soit la Nouvelle-Zélande qui occupe le sommet. Ensuite, l’on trouve par ordre décroissant d’importance le Danemark, et la Norvège (ex-aequo), l’Islande, l’Autriche, la Suède, le Japon, le Canada, la Finlande et la Slovénie (également ex-aequo). La Suisse occupe le 18e rang, et la France le 30e, tout juste devant la Roumanie, mais après le Costa Rica. Pour leur part, les États-Unis d’Amérique occupent le 83e rang, derrière l’Ukraine et tout juste devant le Kazakhstan. En bas du classement l’on trouve le Zimbabwe, la Russie, le Pakistan, le Tchad, la République démocratique du Congo, le Soudan, Israël, la Somalie, l’Afghanistan et, finalement, l’Irak.

 

Ce classement renvoie à deux grands critères d’appréciation: les gains économiques de la paix (et, inversement, les coûts de la guerre) et les enjeux et valeurs d’ordre social et politique. Le recoupement de nombreuses sources de renseignements a servi à établir ce classement, notamment : la banque de données sur les conflits de l’Université d’Upsala en Suède, «The Economist Intelligence Unit », l’Institut international d’études stratégique, à Londres, l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm et le Centre international de conversion [de l’armement], à Bonn, en Allemagne.

 

Mais des questions demeurent, méthodologiquement parlant, au plan du croisement des 23 indicateurs réparties dans trois catégories que sont la participation à des conflits (externes et/ou internes), les mesures de sûreté et de sécurité mises en œuvre ainsi que celles relatives à la militarisation du pays (production et exportation d’armements, etc.). Un exemple : au vu de ces indicateurs, l’on peut se demander pour quelle(s) raison(s) le Costa Rica, un pays démocratique sans armée depuis plus de 60 ans, qui ne produit ni n’exporte d’armements et qui connaît une stabilité politique depuis de nombreuses années, n’occupe que le 29e rang au classement. Certes, le pays doit composer avec de grandes inégalités sociales et économiques, mais en revanche, des études montrent que le peuple costaricain reste profondément attaché au système démocratique de son pays (1). La seule justification que nous avons trouvée en parcourant l’étude de Vision on Humanity est que, pour ses auteurs, le Costa Rica demeurerait fragile en raison du grand nombre d’armes qui circulent librement et que possèdent nombre de citoyens du pays. Mais l’étude ne paraît pas avoir tenu compte à cet égard des efforts des autorités éducatives du pays pour contrer ce phénomène, y compris à l’école. Par exemple en 2008, à l'occasion de la Semaine mondiale de l'action contre la violence armée, et à laquelle ont participé 70 pays dans le monde, environ 200 élèves costaricains de l'école Luis Demetrio de Los Cuadros ont échangé leurs armes pour enfants contre des ballons de football et de volleyball, des Frisbees, des hula hoops et des cahiers, nous rappelle l’UNICEF (2). Aussi, il conviendrait sûrement de prendre en compte également l’importance des entreprises de fabrication, d’exportation ou d’importation de jouets militaires et de leurs incidences sur les comportements des enfants. Nul doute que s’il fallait tenir compte cette donne, nombre de pays dégringoleraient au classement… (3) Il paraît d’autre part étrange justement que l’État de Malte ne figure pas au classement, lui qui a pourtant interdit l’importation de jouets militaires et qui ne trône certainement pas en tête des grands complexes militaro industriel de ce monde. Et il eût été instructif - et sans doute plus juste - de voir les auteurs de ce palmarès inclure dans leur approche méthodologique ce que l’on appelle la « valeur ajoutée », par exemple les efforts consentis par une population scolaire donnée dans sa lutte contre la violence à l’école ou l’adhésion sans réserves par un État aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme. Un palmarès somme toute aux intentions inspirées de l’économisme ambiant, qui paraît négliger par ailleurs d’autres valeurs associées à la construction de la paix – moins en vue celles-là.

 

Illustration : Le royaume de Palmarès

http://www.capueval.com/fr/gazette-capueval.php

 

Référence

Le classement 2009 de Vision of Humanity:

http://www.visionofhumanity.org/gpi/results/rankings.php

 

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Notes

(1) Voir : « Bilan social de santé démocratique : Costa Rica ».

http://www.irenees.net/fr/fiches/analyse/fiche-analyse-555.html
Voir aussi : « Costa Rica : L(sic)'oasis démocratique par excellence ».

http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMAnalyse?codeAnalyse=1094 Également : Libération (2008). « Costa Rica P(sic)ays sans kaki ».

(2) http://www.liberation.fr/monde/0101270043-costa-rica-pays-sans-kaki

(3)http://www.unicef.org/french/infobycountry/costarica_44424.html

 

 

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