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Le droit à l'éducation : ce qui ne va pas
Lettre n°25, septembre 2005

 

Dans son dernier bilan sommaire sur l’Éducation Pour Tous (EPT), l’UNESCO reconnaît que l’accès à l’enseignement primaire complet pour tous en Afrique présente un tableau nuancé, sinon contrasté : « En 1990-91, moins de la moitié (49%) d'une génération d'enfants bénéficiait d'une scolarisation jusqu'en dernière année du primaire. En 2002-03, cette proportion n'a progressé que de 10 points (59%). 4 enfants sur 10 ne terminent toujours pas l'école primaire en 2002-03. »

 

Les projections de l’UNESCO permettent de classer 34 pays africains n'ayant pas atteint la scolarisation primaire universelle ( SPU ) en 2002-03 selon leurs chances d'y parvenir en 2015. Selon cette méthode, 31 d'entre eux n'atteindront pas la SPU en 2015, dont 25 resteront sous la barre des 75% de taux d'achèvement. Ces résultats, écrit-on, sont préoccupants dans la mesure où ils laissent ces mêmes pays en deçà du seuil décisif à partir duquel les bénéfices économiques et sociaux peuvent pleinement se réaliser, ce qui se traduit aussi par une moindre efficacité de la dépense publique d'éducation. L'argent n'est pas le seul problème. Il y aussi la faible qualité du système éducatif, affirme l’Association pour le développement de l’éducation en Afrique (ADEA) : « les pratiques que l'on observe à l'heure actuelle dans les clases africaines ne sont pas efficaces au point de vue pédagogique ».

 

Si l’Afrique demeure, à plusieurs égards, le point de mire des privations de toutes sortes, les disparités à l’échelle mondiale continuent de croître et se traduisent, selon l’ONU, par une véritable « crise des inégalités », entre autres en matière d’accès à l’éducation.

 

Ce qu’il faut garder en mémoire, en toile de fond de l’accès universel compromis à l’éducation, c’est le droit à l’éducation lui-même, plus particulièrement son non-respect récurrent. Pourquoi ?

 

Selon Katerina Tomasevski, ex-rapporteuse spéciale sur le droit à l’éducation auprès du Comité sur les droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU, le droit à l’éducation est menacé de disparition. La première raison de ce phénomène tient au fait que les plans d’action demandés à presque la moitié des États en vue de réaliser l’enseignement primaire universel ne bénéficient pas d’aide économique, ce qui les conduit à une mort-née assurée. Deuxièmement, poursuit Mme Tomasevski, les plans d’action existants n’adoptent pas l’approche centrée sur la promotion du droit à l’éducation, mais plutôt sur la réduction de la pauvreté par le biais d’allocations à l’éducation et aux soins de santé. Or cette approche, prônée par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, ne garantit pas le droit à l’éducation et, conséquemment, de scolarité obligatoire. Or, sans celle-ci, comment assurer à tous l’accès universel à l’éducation  si, a fortiori, les fonds distribués ne participent pas de cette intention ?

 

Une autre raison évoquée par l’ex-rapporteuse renvoie à la privatisation de l’éducation. Cela signifie, selon elle, que des délégations gouvernementales entretiennent un discours de façade auprès de la Commission des droits de l’homme cependant qu’en pratique, sur la base de leurs propres législations, ils ont déjà converti l’éducation en un service commercialisé faisant en sorte que seules les personnes disposant d’une pouvoir d’achat suffisant pourront se permettre désormais d’envoyer leurs enfants à l’école. Un autre facteur, enfin, fait en sorte que les États soutiennent davantage le droit au développement parce que celui-ci peut être considéré comme un droit de l’État, ce qui autorise des pays à demander de l’aide internationale en tant que pays pauvres. Une fois les fonds attribués, ces pays peuvent très bien accorder la priorité à des secteurs d’activités autres que l’éducation, notamment celui de l’armement.

 

Pour renforcer l’application du droit à l’éducation, Mme Tomasevski compte beaucoup sur les ONG : « si nous laissons les droits de l’homme aux mains des gouvernements et de la Commission des droits de l’homme, il ne se passera rien », affirme-t-elle. Il faudrait cependant que les ONG accordent autant d’attention aux droits économiques, sociaux et culturels qu’ils en accordent aux droits civils et politiques. Il faudrait donc favoriser, ajoute-elle, une véritable affirmation d’un mouvement d’envergure dédié au droit à l’éducation et c’est, selon elle, aux ONG d’en prendre l’initiative.

 

Illustration : Dessin, tiré du site Humanus international

http://www.humanus-international.org/pages/portail.php?page=pygmee

 

Références

 

UNESCO. ( 2005 ). « Éducation pour tous en Afrique ». Résumé exécutif.

Ce rapport a été préparé comme support de référence du Forum «Dakar + 5 Afrique» organisé par l'UNESCO/BREDA (Bureau Régional pour l'Éducation en Afrique) du 13 au 15 juin 2005. Les versions électroniques de ce rapport et du résumé exécutif sont téléchargeables sur les sites Internet du BREDA (www.dakar.unesco.org) et du Pôle de Dakar (www.poledakar.org).

http://www.poledakar.org/IMG/pdf/Resume_executif.pdf

 

ONU ( 2005 ). « Les inégalités dans le monde sont plus prononcées qu’il y a 10 ans. »

http://www.un.org/News/fr-press/docs/2005/SOC4681.doc.htm

 

Human Rights Features ( 2004 ) « Education has become a traded service ».

http://www.right-to-education.org/

 

Déjà parus dans La Lettre de l’EIP :

« L'éducation ça s'achète et ça se vend ? ». Lettre N° 1, septembre 2002).

« Hausse des dépenses militaires dans le monde ». (Lettre N° 1, septembre 2002).

« L'enseignement supérieur dans la mire du marché ». (Lettre N° 2, novembre 2002).

« Allègement de la dette et droit à l'éducation ». (Lettre N°3, janvier 2003).

« Le droit à l'éducation pour les enfants tsiganes ». (Lettre N° 6, juin 2003).

« Les enfants autochtones ». (Lettre N° 14, mai 2004).

« L'éducation pour tous en 2015 : une utopie pour l'Afrique ? » (Lettre N° 15, juin 2004).

 

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