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Les droits de l'enfant et la question éducative
Lettre n°18, novembre 2004

 

C’est un 20 novembre qu’est célébrée annuellement la Journée internationale des droits de l’enfant. Cette à cette date que l’Assemblée générale des Nations Unies adopta successivement la Déclaration des droits de l’enfant, en 1959, et la Convention relative aux droits de l’enfant, en 1989.

Mais c’est au sein de la défunte Société des Nations (SDN) qui fut adoptée, en 1924, la première Déclaration des droits de l’enfant, communément appelée Déclaration de Genève. Ce texte, d’abord proclamé un an plus tôt par l’Union internationale de secours aux enfants, était essentiellement centré sur la protection de l’enfance.

Un peu plus de dix ans s’écoulèrent entre le premier dépôt, par la Pologne, du projet de Convention, en 1978, et son adoption le 20 novembre 1989. Le geste polonais témoignait de la reconnaissance de l’action de l’éducateur et pédiatre que fut Janusz Korczak qui, dès les années 1920, affirma les droits spécifiques des enfants et réclama en leurs noms leur reconnaissance auprès de la SDN.

Qu’on se le rappelle, l’adoption de cette Convention résulta en quelque sorte d’un jeu d’équilibre entre les droits civils et politiques et les droits économiques, sociaux et culturels reconnus aux enfants. les premiers s’inscrivent dans l’ordre du droit d’expression et de participation des enfants et les seconds participent davantage d’une démarche axée sur la protection des enfants et la prévention des dangers qu’ils peuvent encourir, particulièrement en tant que catégorie vulnérable, pour employer le vocable onusien.

Or, les droits civils et politiques n’opèrent pas dans le même registre que les droits économiques, sociaux et culturels, même si l’on accorde à dire que les droits sont indissociables. La participation est impensable en dehors du processus éducatif qui l’accompagne, affirme Philippe Meirieu (1). Ce qui n’est évidemment pas le cas, précise-t-il, pour la protection et la prévention. Celles-ci s’appliquent en quelque sorte " de l’extérieur " aux enfants : ils sont " objets " de protection et de prévention, ils sont " sujets " en matière de participation, de préciser Meirieu tout soulignant que c’est bien ce troisième volet qui fait question. C’est par ce biais, estime-t-il, que la Convention conduit au coeur de la question éducative, soit l’articulation difficile entre le nécessaire exercice de l’autorité de l’adulte et la prise en compte indispensable de la liberté de l’enfant. Si l’autorité permet l’acquisition du savoir, son but est autant de favoriser l’autonomie du sujet, écrivent pour leur part Béranger et Pain (2). Autrement dit, et pour reprendre les mots de Comenius, l'autorité de l'éducateur est le secours qu'il faut à l'enfant pour devenir ce qu'il doit être, ce que le pédagogue distinguait nettement de la sévérité des maîtres qui " tend à rendre serviles les élèves ".

Ces propos nous invitent ainsi à évaluer la réalisation du droit à l’éducation non seulement en termes d’accès à l’enseignement, mais également à l’aune de la qualité de la formation offerte aux enfants.


Célestin Freinet n’hésitait pas à qualifier la formation donnée aux enfants de son époque de " pédagogie de l’escalier ", c’est-à-dire celle qui consiste à faire gravir aux élèves les marches une par une la tête baissée. À ce que l’on sache, nombreux sont encore aujourd’hui les enfants soumis à des pratiques pédagogiques autoritaires, à des évaluations bâclées et aux châtiments corporels. Persistants aussi sont des contenus d’enseignement discriminatoires, émaillés de stéréotypes sexistes et d’exaltations nationalistes. À ces problèmes bien réels, s’ajoute l’inégale formation des quelque 60 millions d’enseignants dans le monde et de ses effets sur la qualité de l’enseignement offert (3).

La qualité s’évalue également à la lumière des compétences acquises. Même dans les pays développés où le taux de scolarisation pour l’éducation primaire et secondaire atteint presque les cent p. cent, 15 à 20 p. cent des élèves de plusieurs de ces pays quittent l’école sans avoir les compétences de base leur permettant de se trouver un emploi, sans compter ceux qui abandonnent l’école avant la fin de leur scolarité obligatoire. Comme l’écrivait l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) (4) , ces personnes deviennent de bons candidats à l’exclusion sociale.

C’est dans la perspective de la qualité du contenu de l’éducation qu’il convient d’inscrire l’obligation scolaire, là où elle est effective, et la volonté d’assurer l’éducation pour tous dans le monde à l’horizon de 2015.

 

Illustration : Dessin de Zarz, tiré du site Les crobards à Zarz

http://zarz.over-blog.com/article-francas-47270638.html

 

Notes de bas de page

 

(1) In : " Le pédagogue et les droits de l'enfant : Histoire d'un malentendu ? ", 2001. En ligne : http://www.unige.ch/fapse/SSE/groups/life/textes/Meirieu_A2001_03.html

(2) Béranger, Patrick et Philippe Pain (1998). " L’autorité et l’école : fin de système ". Ville École Intégration, n° 112. Paris : CNDP. En ligne : http://www.cndp.fr/revueVei/beranger.htm

(3) Une étude pilote UNICEF-UNESCO de 1994 sur la situation des écoles primaires de quatorze pays les moins avancés montre entre autres, que 60 p. cent des enseignants n’ont suivi qu’un enseignement primaire et que 20 à 30 p. cent d’entre eux disent n’avoir reçu aucune formation professionnelle.In : Torres, Rosa Maris (1996)., "Sans réforme de la formation des maîtres, point de réforme de l’enseignement". Perspectives, vol. XXVI, n°3, p. 494. Pour leur part, tous les pays de l’OCDE, exigent la possession d’un diplôme d’enseignement tertiaire pour accéder à la profession enseignante. Néanmoins, la moitié d’entre eux seulement sont effectivement dotés d'un corps enseignant répondant à cette exigence. In : "Regards sur l’éducation", 2000. [En ligne]. Accès : http://www.oecd.org/media/parutions/pb00-08f.htm

(4) L’Observateur de l’OCDE, n° 208, octobre-novembre 1997

 

 

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